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Le 60e RI de Besançon

Le parcours du 60 e régiment d'infanterie de Besançon durant la Grande guerre . Son parcours, ses hommes, ses combats . L'as de cœur durant la grande guerre

Bersot Lucien

 

 


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Le soldat Bersot Lucien

 










 


Lucien Jean Baptiste Bersot naît le 7 juin 1881 à Authoison (Haute-Saone) dans une famille de petits paysans. Ses parents étant venus s'installer à Besançon , Lucien y apprend le métier de maréchal-ferrand et s'y marie en 1908 avant de devenir père d'une petite fille en 1909. Il habite dans la rue Battant .

Lorsque la guerre éclate, il est mobilisé au 60 ème Ri , régiment avec lequel il se trouve pendant l'hiver 1914 1915 sur le front de l'Aisne , et qui vient de subir de très lourdes pertes du côté de Soissons (affaire de Crouy) . L'historique du 60 ème parle de 25 officiers ( dont le colonel Graux commandant le régiment  ) et de 1800 hommes tués , blessés , disparus ou prisonniers . Le régiment est réduit à l'effectif de 5 petites Cie toujours selon l'historique . Le régiment part occuper le secteur de Fontenoy, pour y être reconstituer sous le commandement du lieutenant-colonel Auroux ( à la main forte voir rude à l'occasion ) de nouvelles recrues sont incorporées ( on a vidé les fonds de tiroirs pour re-compléter le régiment dixit l'historique ) .



L'affaire

Comme il n'y avait plus en magasin de pantalon à sa taille, Lucien Bersot ne pouvait porter que celui en toile blanc fourni avec le paquetage remis lors de l'incorporation. Grelottant de froid dans les tranchées, il demanda le 11 février1915 au sergent-fourrier un pantalon de laine identique à ceux que portaient ses camarades. Le sergent lui proposa alors un pantalon en loques et maculé de sang, pris sur un soldat mort, ce que Bersot refusa.

Pour ce refus, Lucien Bersot se vit infliger une peine de huit jours de prison par le lieutenant André. Mais le lieutenant-colonel Auroux, commandant du régiment, estima cette punition insuffisante et demanda sa comparution en Conseil de guerre spécial, véritable cour martial . Comme de nouvelles recrues encore non aguerries venaient d'arriver, son intention était manifestement de faire un exemple de discipline militaire.

Traduit pour « refus d'obéissance » le 12 février 1915 devant le Conseil de guerre « spécial » du régiment, présidé par Auroux , Bersot y fut condamné à mort. La peine infligée ne correspondait alors nullement au code de justice militaire car le délit avait été constaté à l'arrière et non au contact de l'ennemi. Deux compagnons du condamné ( les soldat Cottet-Dumoulin Elie et Mohn André fiches MDH jointes  ) intervinrent alors auprès du lieutenant-colonel pour tenter d'adoucir la sentence, mais ne furent pas entendus et se virent punis à leur tour.

 





 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D'autres encore refusèrent de tirer sur leur camarade lors de son exécution. Elle eut lieu dès le lendemain (13 février 1915 ) car les Conseils de guerre "spéciaux", contrairement aux Conseils de guerre "ordinaires", n'autorisaient aucune procédure d'appel.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réhabilitation

Après la guerre, une campagne de presse fut engagée par le journal Germinal sous la plume d'un jeune avocat, René Rucklin, conseiller général de Belfort , cette initiative permit d'obtenir la réhabilitation de Lucien Bersot dès le 12 juillet 1922 . La Cour de Cassation ne pouvait que statuer rapidement pour confirmer l'injustice dont fut victime le fusillé Bersot. Grâce à cette réhabilitation, sa veuve put prétendre à la pension de veuve de guerre et sa fille put être reconnue comme pupille de la nation .

Lucien Bersot fut ré-inhumé en 1924 dans le cimetière de Besançon ( après une visite au  cimetière des Chaprais , pas  de traces de sa tombe peut être a t'il été transféré dans une fosse commune )

  Son cas constitue l'une des affaires les plus révélatrices de l'arbitraire qui a pu régner dans certains conseils de guerre lors de la guerre . Une stèle située à proximité de l'église de Fontenoy ( Aisne ) , inaugurée en novembre 1994 , rend hommage à Lucien Bersot et à un autre fusillé pour l'exemple : le soldat Léonard Leymarie du 305ème Régiment d'infanterie, exécuté le 12 décembre 1914 sous le prétexte de "mutilation volontaire" (sur les données très contestables d'un simple rapport médical), acte pour lequel il avait toujours protesté de son innocence (il avait été blessé à la main à son poste de guetteur). Leymarie a été réhabilité en 1923 .


 

Hommage tardif à Besançon :

Daniel BORDUR / L’Est Républicain - 12.11.2009 : 

Lucien Bersot a enfin sa plaque

87 ans après sa réhabilitation, le nom du célèbre « fusillé pour l’exemple » de la guerre de 14 figure désormais au-dessus du porche de la Maison du Peuple de Besançon, au côté de celui de son camarade Élie Cottet-Dumoulin.


« Ouf ! » Françoise Fumey vit l’inauguration de la plaque en mémoire deLucien Bersot et Élie Cottet-Dumoulin comme un soulagement. Françoise est une petite-fille de Léontine, la veuve de Lucien Bersot, fusillé pour l’exemple le 13 février 1915, parce qu’il avait refusé le pantalon taché de sang prélevé sur le cadavre d’un soldat, l’histoire est connue, il y a eu des livres, des articles, des émissions, un film d’Yves Boisset... Fusillé pour l’exemple comme plus de 600 des quelque 2 500 condamnés à mort de la guerre de 14.

Camarade de Bersot, Cottet-Dumoulin avait contesté la sanction. Condamné à vingt ans de travaux forcés, il mourra deux ans plus tard sur le front de Serbie...

Françoise Fumey « pousse un ouf », mais elle trouve que « c’est un peu tard. C’est quand ma tante Marie-Louise était en vie qu’il fallait le faire... Elle aurait eu 100 ans le 23 novembre prochain... » Marie-Louise, la fille de Léontine etLucien.

Léontine s’était remariée en 1919 avec Léon Frère, un autre Poilu. « Gazé, il s’est battu pour la réhabilitation de Lucien », finalement innocenté et réhabilité en 1922. Entre-temps, Léontine et sa famille connurent mille humiliations, rasaient les murs, étaient montrées du doigt. Françoise se souvient de Léontine qui l’emmenait, petite-fille, sur la tombe de « Papa Lucien ». Elle dit simplement : « Elle souriait rarement, elle a eu une vie triste, elle en a bavé. »

La responsabilité du pouvoir civil

C’est en songeant à la douleur des familles des fusillés, mais aussi aux terribles injustices commises durant cette guerre que plus de 200 personnes ont assisté au dévoilement de la plaque. Parmi elles, des libertaires portaient une banderole « Non à toutes les guerres ». Depuis quelques années, ils rebaptisaient la rue Louis-Bersot en Lucien-Bersot. Contestant que Bersot et Cottet-Dumoulin soient « morts pour la France » comme le mentionne la plaque, ils ont scandé qu’ils étaient « morts par la France ».

Cela a irrité Joseph Pinard, qui travaille depuis longtemps sur le sujet. « À chacun sa sensibilité, par respect pour les familles, un peu de décence », a demandé Jean-Louis Fousseret au micro. Le maire a parlé du « calvaire des femmes, les certificats de décès jamais en règle », évoqué les « rumeurs de trahison de Cottet-Dumoulin dont la famille a quitté la ville ». Il a insisté sur la « responsabilité du pouvoir civil qui, réfugié à Bordeaux, affolé, a facilité les procédures d’urgence » qui ont conduit des officiers à se comporter comme des assassins.

Dans la matinée, c’est ce qu’avait rappelé Thierry Alzingre, président départemental de la Libre pensée dont une dizaine de militants ont rendu hommage à Bersot, devant l’ossuaire du cimetière des Chaprais : « Qu’est-ce qu’un homme ? Son uniforme, son casque, son fusil ? »

Pour Françoise Fumey, la plaque qui surplombe l’entrée de la Maison du peuple, 11, rue Battant, est « l’aboutissement » d’une longue bataille. « C’est vrai qu’ils sont morts par la France, mais aujourd’hui, c’est le pardon, l’hommage... Il le faut bien, sinon, on n’avance plus. »



 

Bibliographie :

Rebelles et révoltés de la belle époque à la grande boucherie en Franche-Comté . J Pinard ed Cètre

Le pantalon ; SCOFF, Alain ; JCLattès ; 1982 ; Paris ; l'histoire de Lucien BERSOT, fantassin sur le front de l'Aisne en février 1915, fusillé le 13 février 1915, réhabilité le 12 juillet 1922.

 

Fusillés pour l'exemple ;